Apprendre à recevoir de Dieu son amour

Mon histoire démontre l’amour, la bonté et la patience de Dieu envers moi. Elle démontre aussi qu’il m’a fallu apprendre à recevoir de Dieu son amour en dépit de mes manquements à son égard et de mes déceptions devant mes inaptitudes spirituelles.  Je présenterai les principales étapes de mon parcours vers Jésus-Christ et avec Lui. Je prie pour que ce récit vous aide à apprendre à recevoir l’amour de Dieu envers vous.

Apprendre à recevoir de Dieu son amour. Je parlerai à son coeur (Osée 2.16)
Je veux la séduire et la conduire au désert, et je parlerai à son cœur (Osée 2.16, Segond 21)

Voici les grandes lignes du parcours de foi chrétienne que vous vous apprêtez à lire,  histoire de l’amour de Dieu envers moi, illustration de l’amour de Dieu envers tous, mais aussi l’histoire de comment il nous faut aussi apprendre à recevoir de Dieu son amour  :

  1. Premiers contacts avec les textes bibliques;
  2. Premiers élans vers Dieu;
  3. Premiers pas vers la foi chrétienne
  4. Engagement définitif envers Dieu;
  5. Zèle et engagement dans l’œuvre de Dieu;
  6. Désenchantement quant à la qualité de ma relation avec Dieu;
  7. Réappropriation identitaire de qui je suis en Jésus-Christ;
  8. Antidote contre la culpabilité;
  9. Prendre le fruit pour l’arbre;
  10. Christ s’interpose entre toute réalité et moi

1. Mes Premiers contacts avec les textes bibliques

Mon parcours de foi chrétienne est étroitement lié à mon séjour hors Québec. C’est lors d’un bref passage à Toronto lorsque j’étais en permission depuis Borden que je fis la première d’une série de rencontres qui a fini par transformer du tout au tout la compréhension que j’avais de ce qu’est le christianisme. Plusieurs années plus tôt, l’école catholique de la paroisse Saint-Sauveur où j’avais fait mon école primaire, comptait parmi ses manuels scolaires, le Nouveau Testament. Il y avait sur le couvercle de ce livre, édité en format de poche, une image représentant Jésus. J’étais fasciné par cette oeuvre et j’avais bien hâte de l’ouvrir, car j’étais curieux d’apprendre ce que j’y découvrirais. Je dus rester sur ma faim, car jamais de toute l’année personne ne nous a demandé de lire quoi que ce soit de ce qu’il contenait. Ouvrir un manuel scolaire sans y être obligé pour mes devoirs ne faisait cependant pas partie du répertoire des choix que j’aurais pu envisager comme possible pour moi à cet âge-là. Malgré tout, je savais d’instinct qu’il s’agissait d’une partie des textes fondateurs du christianisme et j’étais tout à fait disposé à accepter d’emblée qu’il s’agissait bien là de la Parole de Dieu.

C’est à Toronto vers le début de l’année 1970 que je fus pour la première fois exposé à la lecture libre des textes bibliques, c’est-à-dire que quelqu’un ouvrait avec moi la Bible pour m’en partager les contenus. Jamais durant toute mon éducation catholique n’avais-je entendu qui que ce soit discuter à propos des contenus bibliques ou s’y référer, à l’exception du prêtre à la messe, reprenant chaque année toujours les mêmes passages sélectionnés principalement parmi un sous-ensemble très réduit des quatre Évangiles. J’étais au centre ville de Toronto lorsque l’on m’invita à entrer dans un Coffee House, une sorte de pub sans alcool tenu par des chrétiens. Assis à l’une des tables là, l’on me montrait des passages qui mettaient en lumière des écarts importants entre le catholicisme de mon enfance et la Bible. J’eus maintes occasions par la suite, à Calgary et à Vancouver, de discuter avec des jeunes de mon âge qui, eux aussi, lisaient la Bible par et pour eux-mêmes. À terme, je fus convaincu qu’il existait un écart important sur des aspects essentiels comme sur des points secondaires entre le catholicisme et les textes fondateurs du christianisme que constituent collectivement les livres de la Bible.

2. Mes premiers élans vers Dieu

Une fois à Calgary, je tenais absolument à parvenir à une maîtrise la plus parfaite possible de l’anglais. Aussi, décidai-je de ne pas me tenir avec les québécois de la base militaire qui formaient un groupe important et dont plusieurs m’étaient sympathiques. La communauté des policiers militaires répondait à certains de mes besoins sociaux et il m’arrivait régulièrement de faire des activités avec eux. Mais je passais plus de temps à développer mes propres cercles de connaissances et d’amis parmi les civils au centre ville de Calgary, d’une part, et à faire des voyages aller-retour à Vancouver, d’autre part.

Un de mes premiers réflexes suite aux échanges qu’il m’arrivait d’avoir avec des gens qui prenaient au sérieux les textes bibliques et aimaient en discuter fut de me procurer un exemplaire d’une traduction française de la Bible proposée par Louis Segond. Je fus frappé de lire : « Vous me chercherez, et vous me trouverez, si vous me cherchez de tout votre cœur » (Jérémie 29:13; voir aussi 1 Chroniques 28:9; Deutéronome 4:29). L‘idée que Dieu se laisserait trouver par celui qui Le cherchait avec sincérité avait fait forte impression sur moi, de sorte que je m’adressai à Dieu en m’appuyant sur cette promesse.

Quoi que j’étais à l’époque en situation d’ambivalence quant à l’existence de Dieu, cette parole des prophètes faisait malgré tout un profond effet sur moi. Elle me donnait l’impression que si je cherchais Dieu, si je désirais vraiment le connaître, il se ferait connaître à moi. Je transformai donc ce passage biblique en prière à Dieu, Lui demandant qu’Il se fasse connaître à moi, s’il existait. J’étais seul dans la chambre où j’habitais à l’époque sur la base militaire de Calgary. C’est la première prière de ce genre que je me souviens avoir adressée à Dieu et il me semble qu’elle précède tout ce qui suivra dans mon cheminement vers la foi chrétienne et mon éventuel engagement envers Dieu.

3. Mes premiers pas vers la foi chrétienne

Les débuts de mon cheminement spirituel ont été marqués par une grande ambivalence dans mon rapport à Dieu et dans mon engagement envers Lui.

À compter d’octobre 1970 je fis la connaissance d’un nombre de plus en plus grand de chrétiens qui prenaient la Bible au sérieux et vivaient à Calgary. Parmi eux se trouvaient, en particulier, une famille dont les parents avaient cinq enfants, et un groupe d’une vingtaine de jeunes vivant ensemble dans une maison appelée Jesus House. Je fréquentai de temps à autre ces gens et leur milieu d’appartenance jusqu’en avril 1972, époque à compter de laquelle je fis aussi la connaissance d’un ami de mon père qui appuyait ses convictions chrétiennes sur la Bible et m’introduisit au milieu évangélique qu’il fréquentait à Québec. Les préoccupations religieuses disparaissent plus ou moins de ma vie jusque vers février 1975, époque où j’avais été muté à Chibougameau, au Nord du Québec. La copine que je fréquentais à cet endroit faisait partie du mouvement charismatique et lisait la Bible par elle-même. Mon intérêt reprend et s’intensifie à compter de cette époque, tout en demeurant sporadique. Cette démarche trouve enfin son aboutissement dans une décision ferme de m’attacher à la foi chrétienne prise dans la semaine du 12 au 17 février 1977 et dont je ne me suis jamais désisté par la suite.

De mars 1970 à février 1977, j’étais habité d’une ambivalence continuelle. J’aspirais d’une part à connaître le Dieu de la Bible et à établir une relation avec Lui. D’autre part, je me demandais s’Il existait vraiment. Parfois je croyais que oui, parfois j’en doutais, parfois il me semblait qu’il était impossible qu’Il existe. Je n’arrivais pas à me fixer. Mon ambivalence en fait était double, car même dans les périodes où je croyais à l’existence de Dieu, je ne parvenais pas à vivre comme je comprenais qu’Il le demandait.

Durant ma période agnostique de deux ans, mes réflexions portaient parfois sur mon rapport à Dieu. Tel fut le cas, par exemple, à Chypre en 1974, lorsque nous nous trouvions entre les attaques militaires des Turcs contre les Grecs, faisant plusieurs morts et blessés parmi les canadiens et autres contingents des Nations unies en mission de maintien de la paix. L’inquiétude suscitée par un sentiment vague que je pourrais bien mourir dans cette guerre ne m’enlevait pas la colère que je ressentais contre tout et tous en ces lieux : une attitude de révolte m’habitait même lorsque je songeais à Dieu, contre qui je m’insurgeais tout autant que contre n’importe qui ou n’importe quoi d’autre.

4. Mon engagement définitif envers Dieu

À compter de la date mémorable du 17 février 1977, je me suis engagé à vivre selon ma compréhension de ce qu’enseignaient les Écritures Saintes, c’est-à-dire dans l’obéissance à Dieu. On peut le dire ainsi dans un premier temps, quoi que cette formulation laisse de côté une dimension essentielle de ce qui s’est produit à cette époque pour moi et en moi.

De quelle autre dimension s’agit-il ? Celle qui correspond à répondre « oui » au Dieu qui appelle. Celle qui consiste à placer en Dieu sa confiance comme seule source de vie et de salut. Placer, comme je viens de le faire, ma décision d’obéir à Dieu avant celle de répondre à son appel, de même que de placer la réponse au salut offert en Jésus-Christ avant l’offre dudit salut exige une précision et soulève une question.

Précision. J’ai cru alors et je crois aujourd’hui que le passage d’une posture d’incroyance (de la mort spirituelle) au statut d’enfant de Dieu (Jean 3) et de cohéritier avec son Fils unique (Éphésiens 1 et 1 Pierre 1) est un don de la part de Dieu qui en est l’auteur, alors que nous en sommes les récipiendaires par la foi (Éphésiens 2). Voilà pour la précision. Question. Quant à la question : pourquoi parler de mon engagement définitif envers Dieu d’abord en terme de mon choix de lui d’obéir, puis, seulement ensuite, comme réponse à son appel, et garder pour la fin l’appel de Dieu source de tout le reste ?

Cette précision et cette question m’aident à clarifier à mes propres yeux que l’appel en question – ici placé en tout dernier lieu – est à la source de mon histoire, considérée dans son ensemble. Je dirais aujourd’hui que j’ai entendu et compris suffisamment en quoi consistait cet appel de Dieu pour mon salut dès l’époque où je recevais avec enthousiasme la Parole de Dieu en conséquence de quoi je me fis baptiser une première fois le 6 septembre 1970, près du Stanley Park, à Vancouver, puis une seconde fois, dans le grand baptistère de l’Église Emmanuel à Calgary le 13 juillet 1971. Compte tenu que mon engagement à suivre Christ ayant donné lieu à l’un et l’autre de ces deux baptêmes avait été suivi chaque fois d’un retour à un style de vie contraire à ma compréhension des enseignements bibliques, je me méfiais de moi-même. D’autant plus que je ne pouvais plus compter le nombre de fois où je m’étais tourné vers Dieu en ne doutant pas de ma sincérité, puis m’en étais détourné dès qu’une situation m’y invitait.

Ma compréhension du salut de Dieu par grâce qui s’obtient par la foi seule et sans que l’ajout d’œuvres méritoires y soit pour quoi que ce soit n’était pas principalement ce qui avait échappé à ma compréhension, mais plutôt la décision de me repentir réellement. Je veux dire par là que la persistance d’une conduite alignée sur ma compréhension des enseignements bibliques était vue par moi comme un sceau de ce que je disais croire. C’est pourquoi il était si important pour moi de m’assurer que le passage du temps viendrait confirmer et non pas infirmer la réalité de la foi que je professais de nouveau. Lors donc que le pasteur ou les membres et adhérents de l’Église que je fréquentais assidûment à compter de la date historique pour moi du 17 février 1977 insistaient que je m’approprie personnellement l’assurance de mon salut, j’éprouvais une grande difficulté.

Il s’est avéré que mes craintes d’être une fois de plus devant un faux engagement de ma part n’étaient pas fondées. Les mois et les années passèrent sans que je me détourne de ce que je considérais être la voie de Dieu pour moi, laquelle voie passait par l’obéissance aux Écritures saintes et par la confiance qu’il était possible de les mettre en application. Par contre ce n’est que progressivement et très lentement que j’ai été en mesure de situer les textes bibliques dans l’ensemble de leurs contextes.

5. Zèle et engagement dans l’œuvre de Dieu

Les mois qui ont immédiatement suivi ma conversion définitive au Christianisme à la mi-février 1977 se sont passés comme si tout ce que j’avais progressivement compris durant les sept années précédentes s’intégrait concrètement à ma vie quotidienne. L’on constata dans mon entourage une transformation immédiate et importante dans les attitudes dont je faisais preuve envers les gens et dans ma façon de m’adresser à chacun.

La première et plus importante de mes décisions d’obéissance à Dieu avait été en lien avec l’adoption d’un style de vie entièrement conforme à la moralité biblique, dont celle de mettre fin à une relation amoureuse qui contrevenait aux enseignements bibliques. Ce renoncement me fut très pénible. J’ai ensuite entrepris d’apporter des correctifs importants dans tous les secteurs de ma vie. J’abandonnai par exemple toute forme de mensonge, ce qui m’obligea à demander à Dieu son aide pour qu’il m’apprenne comment l’on se sort de certaines impasses culturelles sans devoir mentir.

Mais je ne me voyais absolument pas parler de ma foi en Dieu à d’autres militaires sur la base de Valcartier où je résidais dans une chambre seul des quartiers pour célibataires. Il ne me fallut pourtant pas très longtemps avant de dépasser ce dernier blocage dans ce que je considérais être l’obéissance à ce que je comprenais comme un enseignement explicite des Écritures et la volonté de Dieu pour chaque croyant dont moi. Beaucoup des militaires que je connaissais ou rencontrais à cette époque sur la base de Valcartier étaient ouverts à entendre mon récit de conversion et les passages des Écritures que je partageais avec eux. Il n’était pas rare que je remplisse de trois ou quatre autres militaires ma Volkswagen Rabbit 1976 et les emmène avec moi aux réunions de l’Église locale que je fréquentais alors avec assiduité.

Une chose conduisant à une autre, je finis par quitter les Forces armées canadiennes pour me joindre à un programme de formation pratique au ministère pastoral dont l’on nommait les participants des « serviteurs en formation ». C’est ainsi que s’amorça ma formation pour le ministère pastoral par une alternance de formation au séminaire et de responsabilités pratiques dans mon Église locale. Trois ans plus tard, je m’inscrivis en Ontario pour un baccalauréat en théologie dont je graduais en avril 1984. Chaque été durant cette formation, je revenais à Québec où l’on me confiait des responsabilités pastorales dont l’axe principal était la transmission de la foi et l’accompagnement dans les premiers pas de la marche chrétienne. Peu après mon retour à Québec, suite à ma formation théologique, je fus mandaté pour mettre sur pied une église locale dont le noyau serait constitué de quelques membres de l’église existante.

6. Désenchantement quant à la qualité de ma relation avec Dieu

La période durant laquelle je fus pasteur d’une petite Église locale naissante à Québec fut celle qui contribua le plus à me donner satisfaction en matière de réalisation personnelle, mais qui en même temps soulevait à nouveau frais une question troublante. Le fait de m’être sincèrement et concrètement détourné des voies de la déchéance morale qui étaient les miennes avant ma conversion au christianisme du 17 février 1977 ne m’avaient pas pour autant protégé contre une manière d’être qui ne correspondait pas à l’idéal que je m’étais fait et continuais de me faire des relations conjugales harmonieuses.

Or mon mariage à l’été 1980 – quelques mois avant mon départ pour London où j’ai vécu quatre ans pour y compléter ma formation pastorale et théologique – avait fait ressortir des dimensions de ma personne qui rendaient difficiles mes rapports conjugaux. Je voyais bien que ma foi chrétienne s’avérait insuffisante pour faire face à certains des défis intrapersonnels et interpersonnels que représentait pour moi la situation d’homme marié. J’avais beau prier Dieu, le supplier en citant des promesses qu’Il avait faite dans la Bible, lire cette dernière en faisant tous mes efforts pour l’appliquer dans les situations que je trouvais les plus difficiles, rien n’y faisait, il m’arrivait de n’être pas à la hauteur.

Je ne puis concevoir une meilleure manière de présenter le déchirement que représentait pour moi la transition du ministère pastoral vers le travail séculier qu’en ayant recours à deux lettres écrites durant cette déchirante période. L’une et l’autre de ces lettres présentent les préoccupations qui m’habitaient lors de cette transition et donnent un aperçu de l’esprit dans lequel ma conjointe et moi nous trouvions.

Extraits et reformulations d’une lettre écrite le 1er août 1987 :

[…] Quand je considère les 18 dernières années de ma vie, je vois combien grande fut la bonté de Dieu à mon égard. En effet, il y a maintenant 18 ans que j’ai entendu l’Évangile pour la première fois, et ce n’est que huit ans plus tard que j’ai enfin cédé au salut.

Malgré une résistance si longue et acharnée, le Seigneur m’a tout de même conduit dans son œuvre six mois après que je lui eus cédé ma vie. Les dix années qui suivirent se déroulèrent pour moi, comme une seule journée car j’ai beaucoup aimé le ministère.

Par contre, dès l’école biblique, je me suis souvent demandé si j’arriverais vraiment un jour à acquérir la maturité requise pour être un modèle. Pendant que cette question brûlait avec persistance au fond de mon cœur, les portes du ministère ne cessaient de s’ouvrir devant moi. C’est en m’émerveillant sans cesse devant le privilège qui m’était accordé que je relevais chacun des défis qui m’étaient proposés.

Puis, en 1986, j’ai choisi comme verset-thème Éphésiens 3:14-21 sur lequel je me suis appuyé pour demander à mon Dieu de produire davantage de sainteté dans ma vie. C’est alors que j’ai vu à quel point j’en manquais. Maintenant, en 1987, j’ai choisi comme passage-thème le Psaume 23. Je voulais simplement me laisser conduire par le bon Berger. Ce qui m’amène au but de cette lettre. Je crois que le Seigneur me conduit à réorienter mes pas en dehors du ministère.

Serai-je donc dans l’abattement ? Loin de là ! Je me réjouis en mon Dieu pour ses voies à mon égard. Je me réjouis que pendant dix ans il m’a prêté un précieux trésor : œuvrer dans sa vigne ! Je considère que j’en ai été incalculablement enrichi dans mon être tout entier.

Que dire du futur ? Je pense que le Seigneur me dirige vers un cours intensif d’un an comme programmeur-analyste. Il semble déjà avoir ouvert les portes dans cette direction. Il n’en reste qu’à moi de Lui faire confiance pour un emploi. […]

Extraits et reformulations d’une lettre écrite le 8 février 1989 :

[…] Quitter le ministère d’implantation d’Église à temps plein fut toute une expérience comme vous pouvez le soupçonner… douloureux mais très… très riche ! Dieu m’a enseigné des leçons signifiantes. Mais permettez-moi d’abord de vous dire comment Dieu m’a guidé vers un travail à temps plein qui semble revêtir un potentiel pour devenir permanent dans une province où les emplois sont rares.

Il m’a été difficile de ne pas y voir une réponse spécifique de la part de Dieu à mes prières, alors que je m’inquiétais sur comment je pourrais bien parvenir à gagner ma vie en dehors du ministère pastoral. Ma prière a essentiellement été la suivante : « Seigneur donne-moi un emploi où il me soit possible d’utiliser la plus grande partie possible de l’expérience acquise dans le ministère chrétien afin que je puisse être un atout pour un employeur ». Je me disais que ce serait là une bonne manière d’obtenir et de conserver un emploi. […]

Mon épouse et moi nous réjouissons dans le fait que nos années de préparation au ministère et le ministère lui-même nous ont donné le privilège de vous connaître. Nous espérons que vous continuerez de prier pour nous.

Notre désir est que notre vie glorifie Dieu à travers nos occupations… et il se peut que nous redevenions éventuellement plus actifs dans son œuvre, voire même de nouveau à temps plein dans le ministère un jour.

Pour le moment il n’y a que Dieu qui sache ce qui adviendra. Tout ce que nous savons pour notre part est que la présente période de transition et de repos, était et demeure nécessaire pour notre croissance et maturité dans le Seigneur.

Unis dans l’amour de Christ.

Ces deux lettres montrent avec justesse comment je ressentais mon retrait du ministère pastoral en août 1987 et comment se présentèrent pour moi les premiers moments de ma réorientation professionnelle subséquente, un an et demi plus tard, soit en février 1989.

Je me souviens très clairement encore aujourd’hui de plusieurs des sentiments que j’éprouvais au début de cette carrière en informatique. Elle construisait sur mes récents apprentissages techniques; mes acquis antérieurs y étaient également reconnus. Le premier sentiment que je tiens à mentionner était la certitude que Dieu guidait mes pas, d’un contrat ou d’un poste occasionnel à l’autre, puis vers l’entreprise privée en 1998. C’est d’ailleurs ce que laisse transparaître les lettres de 1987 et de 1989; l’une comme une attente encore à réaliser, l’autre comme une situation en train de s’accomplir. Un aspect de ces lettres me frappe tout particulièrement. Je dis éprouver une difficulté à ne pas croire que Dieu agissait en réponse à mes prières, alors que c’est plutôt d’une difficulté à croire que Dieu agit suite à mes prières qui m’habitait une vingtaine d’années plus tard.

Cette transformation de mon univers intérieur est importante pour décrire mon parcours dans l’intervalle des vingt-cinq années écoulées depuis que j’ai quitté le ministère en 1987 jusqu’à l’écriture initiale du présent récit de 2010 à 2012. En bref, je dirais qu’à tous égards j’avais le sentiment de tomber comme dans un puits dont le fond aussitôt atteint était constitué d’une trappe qui s’ouvrait sur un gouffre dont le fond était lui aussi fait d’une trappe qui s’ouvrait sur un autre gouffre, et ainsi de suite à l’infini. Mon rapport à la foi s’effrita peu à peu pour passer par exemple d’une difficulté à ne pas croire vers une difficulté à croire que Dieu intervenait personnellement dans ma vie suite à mes prières.

7. Réappropriation identitaire de qui je suis en Jésus-Christ

Du texte possiblement le plus ancien de la Bible, le livre de Job, aux plus récents, les écrits de l’apôtre Jean, c’est-à-dire son évangile, ses trois épîtres et l’Apocalypse, l’histoire centrale qui nous est révélée est celle de la rédemption de l’être humain. C’est à l’intérieur de cette très merveilleuse et grande histoire que s’inscrit ma propre histoire individuelle et personnelle, dont je n’ai présenté jusqu’ici que quelques bribes éparses. Qui suis-je par rapport à Dieu dans cette grande histoire du salut de l’humanité entière ? Qu’est-ce qui me permet d’assumer cette identité de chrétien que je fais mienne ? Quel degré de certitude puis-je atteindre concernant cette espérance qui habite en moi ? Ces trois questions m’ont longtemps habité et sont une dimension importante de ma vie.

Qui suis-je par rapport à Dieu ? Qui suis-je Seigneur par rapport à Toi ? Que puis-je en dire ici dans ces pages qui soit le plus significatif et représentatif possible ? Une synthèse applicative de ce que la Bible enseigne sur la possibilité pour les humains de parvenir à une connaissance personnelle de Dieu m’a aidé à en comprendre certains aspects. En voici les principaux éléments structuraux : premièrement, reconnais que tu as péché; deuxièmement, comprends que le péché doit être puni; troisièmement, comprends que Jésus-Christ a payé la peine du péché pour toi; quatrièmement : accepte par la foi le don du salut qui t’es offert par Jésus-Christ; cinquièmement : détourne-toi de tes péchés et détermine que tu obéiras à la Parole de Dieu à compter de maintenant.

J’étais solidaire des contenus associés à cette présentation et le demeure, tout en reconnaissant que leur signification n’est peut-être plus aussi évidente aujourd’hui qu’elle l’a été pour moi à l’époque où je cheminais vers Dieu et cherchais à comprendre Ses voies. Aujourd’hui je préfère des présentations comme celles qui suivent comme synthèse des éléments de base pour faire ses premiers pas vers la connaissance de Dieu :

Mais, qu’en est-il de mon rapport à Dieu maintenant ? C’est avec une grande joie que j’atteste simplement m’être approprié personnellement le passage biblique suivant :

« Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu en effet n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est point jugé; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et ce jugement c’est que, la lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres soient dévoilées; mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites en Dieu » (Jean 3:14-21).

Je voulais me rassurer moi-même en ce qui concerne mon statut devant Dieu. C’est fait. Je crois et donc je ne serai point jugé. Je marche dans la lumière en autant que je sache. Il m’arrive de ressentir une grande joie provenant de l’intérieur de moi et qui me semble être l’œuvre de l’Esprit en moi, comme c’est le cas en ce moment. Que faut-il d’autre ?

8. Antidote contre la culpabilité

Après quatre cents ans d’esclavage en Égypte, durant les quarante ans que dura leur traversée du désert en route vers la terre promise, un jour que le moral du peuple Juif était au plus bas, des serpents venimeux mordirent mortellement plusieurs d’entre eux. C’est de ce moment historique dont il est question au tout début du passage cité à la section précédente : « Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle ». Cette histoire est relatée en Nombres 21: 4-9 et se conclut de la manière suivante :

« Le peuple vint à Moïse, et dit : Nous avons péché, car nous avons parlé contre l’Éternel et contre toi. Prie l’Éternel, afin qu’il éloigne de nous ces serpents. Moïse pria pour le peuple. L’Éternel dit à Moïse : Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie. Moïse fit un serpent d’airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d’airain, conservait la vie » (Nombres 21:7-9).

Cette image illustre et renforce ce que j’ai appris à faire pour marcher au quotidien dans la voie que les Écritures nous invitent à suivre, mais dont je me détourne momentanément parfois. Peu avant de quitter le ministère pastoral, il m’arrivait d’avoir un mouvement d’impatience avant de me rendre à l’Église pour y dispenser un enseignement qui m’avait habité et réjoui toute la semaine alors que je travaillais à le mettre en application dans ma vie. Je n’avais même pas besoin d’agir avec colère, le seul fait de ressentir de l’irritation suffisait parfois à me désorienter jusqu’à conclure avec découragement que mes attitudes intérieures étaient contraires aux enseignements que je m’apprêtais à dispenser. Je considérais alors ne pas comprendre ce qu’était l’amour que je demandais à Dieu d’acquérir en m’appuyant sur Éphésiens 3:14-21.

Je comprends aujourd’hui que mon désir de sainteté concrète à l’époque interférait avec la simplicité selon laquelle Dieu souhaite que nous revenions à lui chaque fois que nous commettons un péché, soit-il immense et de longue durée, ou anodin et passager. Le milieu chrétien dans lequel j’ai exercé le ministère pastoral insistait sur la cohérence entre ce que l’on dit croire et la manière dont l’on choisit de vivre. Le péché ne doit donc pas être pris à la légère. J’avais intégré cette valeur, mais à un point de préoccupation qui dépassait en intensité ce qui avait cours dans mon entourage. Pour moi, la colère ressentie était déjà considérée comme un péché. J’aurais voulu que tout mauvais sentiment soit éradiqué à sa source et je m’attendais à ne rien ressentir de négatif, jamais ! Passe encore lorsqu’une émotion comme la colère venait puis repartait aussitôt, mais lorsqu’elle m’habitait plusieurs jours de suite et, dans certaines périodes, parfois même dès mon réveil le matin, comme c’était parfois le cas, j’en étais alarmé et inquiet.

J’ai depuis fort longtemps abandonné l’attente d’atteindre cette forme-là de sainteté concrète perçue comme étant indissociable de la maturité chrétienne et qui consisterait à être toujours et en tout temps dans une forme spirituelle s’approchant de l’invulnérabilité. Or, il me semble que c’est justement ce qui me rend aujourd’hui capable de ne pas cesser de regarder à Christ lorsque je m’expose moi-même à la morsure d’un serpent brûlant. Il m’est devenu naturel de me tourner à Dieu lorsque j’ai agis d’une manière opposée à la voie de la lumière et de saisir immédiatement son pardon. Ces moments sont empreints d’une très grande joie, de me savoir pardonné, de savoir à qui j’appartiens. Je me suis rendu compte que, de cette manière, la culpabilité n’a plus de prise pour ajouter son poids à celle du péché. De fait, me sentir coupable après avoir péché constituait en soi un autre péché dont l’antidote est de regarder immédiatement en direction du pardon acquis par Jésus sur la croix. D’où la figure du serpent d’airain associée à celle du Christ crucifié illustre l’une des dimensions qui m’échappaient autrefois mais que je pratique maintenant de manière infiniment plus spontanée.

9. Prendre le fruit pour l’arbre

Le premier appel de tout croyant consiste à aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces, puis son prochain comme soi-même.

C’est ce que dit Jésus (Matthieu 22:34-40), s’appuyant sur Moïse (Deutéronome 6:5; Lévitique 19:18). Dans la première décennie de ma vie chrétienne, je croyais pouvoir parvenir à un certain degré de maturité spirituelle à force d’obéir à la Parole de Dieu. J’ai fini par comprendre un peu mieux ce qui échappait alors à ma compréhension. J’avais fait de l’obéissance à Dieu par ma conduite une fin en soi plutôt qu’un parcours à l’intérieur duquel et par lequel s’exprimait mon amour pour Dieu et en faveur du prochain.

Je crois aujourd’hui que je prenais le fruit pour l’arbre, la branche pour la racine, l’effet pour la cause. Je voulais obéir à Dieu et que ma vie reflète cette obéissance dans une manière d’être qui s’inscrive en pleine cohérence avec les enseignements des Écritures. Je voulais être un modèle dans ma conduite personnelle et dans ma relation conjugale pour ceux auprès de qui j’exerçais un ministère. C’est ce que j’appelle « maturité » ou « sainteté » selon les contextes dans lesquels j’en parle, dans ce récit comme ailleurs. Ne viendrais-je pas d’identifier une dimension importante de ce qui m’avait échappé ?

Quoi qu’il en soit, cela me semble l’un des aspects très importants de ce qui fonde ce que l’on pourrait nommer sans trop s’égarer « intégration spirituelle », c’est-à-dire la capacité de vivre mon quotidien dans la paix et la joie d’une intimité avec Dieu ressentie. C’est dommage que je n’aie pas compris alors ce que je comprends aujourd’hui, car je sais ne plus être « disqualifié » pour faire l’œuvre, tandis que je l’étais effectivement alors. Je ne crois pas que j’aurais pu apprendre cela par une vie autre que celle qui est la mienne.

De quoi s’agit-il ? Je ne me préoccupe plus tout à fait autant d’essayer de juger du degré de maturité ou de spiritualité auquel je serais parvenu, bref d’évaluer où j’en suis. Je me contente de vivre au meilleur de mes capacités, sans plus. La Parole est en cela mon guide, mais lorsque je pèche, je n’y vois plus un indice d’échec. Au contraire, j’y reconnais la grâce de Dieu par son pardon et l’accueil qu’il m’offre. Commettre un péché ne déclenche plus un orage violent et interminable dans l’horizon de ma vie, mais un nuage qui passe, immédiatement chassé par le Souffle de Dieu mon Père, par l’Esprit du Seigneur Jésus, le Christ de Dieu, mon Rédempteur, mon Sauveur, ma Vie.

Pour illustrer ce que je viens tout juste d’écrire. Je me dis par moments que je ne suis pas du tout certain d’aimer Dieu comme il se doit, ni mon prochain comme Dieu le souhaite, puisque ma vie est orientée vers tout ce qu’il y a de plus normal. Il m’arrive de temps à autre de sortir de mon chemin pour aider quelqu’un, par exemple dans le cadre de mon travail, en m’exposant à des risques socioprofessionnels. Il y a quelque chose de l’amour du prochain quand je défends quelqu’un contre une injustice, ou que je reprends quelqu’un qui agit mal, à l’occasion. Mais en général tout ce que je fais s’inscrit dans un cadre naturel du respect et de l’amour des proches, tout en ayant peur de ce que pourrait signifier concrètement cet amour du prochain dans un cadre plus vaste.

Mais que puis-je donc faire d’autre que de venir à Dieu tel que je suis vraiment ? Nul ne peut venir à Dieu tel qu’il n’est pas, ni moi non plus. Je dirais que c’est en cela même qu’une transformation majeure s’est installée à demeure en moi depuis 2008. Quand je me sais coupable devant Dieu, c’est à l’ombre de la croix que je me réfugie. Christ me protège ainsi des orages de ma propre angoisse devant l’existence que je mène. Cela n’exclut pas des moments de tristesse, mais la joie et la paix dominent généralement. Je me sais aimé de Dieu, accueilli par Lui, pardonné de mes péchés, guidé dans ma vie. Je crois ressentir en moi une sorte de force qui me semble provenir de l’Esprit de Dieu. Cela se présente parfois comme un sentiment de grande joie, comme une sorte de plénitude.

L’effet sur moi de cette nouvelle manière d’être est immense, car je me sens en général bien en moi-même, plutôt que dominé par un sentiment de ne pas être à la hauteur lequel indiquerait soi-disant un manque d’authenticité dans ma foi chrétienne. Cette nouvelle attitude, adoptée depuis 2008, m’aide aussi à être en général beaucoup plus ouvert aux personnes tout autour de moi, à prier pour elles, à prier avec elles. Elle me sert d’appui pour encourager ceux qui m’entourent à accepter leurs limites et lacunes, à s’en remettre à Dieu pour leur faire face, à considérer qu’ils sont acceptés de Lui malgré tout. Cette manière d’être me conduit à un plus grand calme devant des situations de vie pourtant capables de me mettre dans un état diffus d’agitation intérieure.

Prendre le fruit pour l’arbre ? la branche pour la racine ? l’effet pour la cause ? Est-ce là réellement le thème abordé dans la présente section ? Je voulais voir le fruit. Aujourd’hui, je suis l’arbre. Quelques membres de ma communauté de foi m’ont beaucoup encouragé depuis 2008 en disant qu’ils voyaient les fruits au bout de mes branches. Ces fruits qu’ils voyaient, me disaient-ils, constituaient pour eux un espoir dans les difficultés qu’ils traversaient dans leur propre vie chrétienne. Or ces fruits qu’ils disent voir sont exactement ceux que j’aurais espéré produire avant de quitter le ministère pastoral. Ils étaient là à plusieurs égards, mais dans certains secteurs spécifiques de ma vie – que je considérais et considère encore essentiels – ils n’y étaient pas, du moins pas de façon aussi stable que maintenant, mais aujourd’hui ils y sont. Je les vois moi aussi, y compris dans ces zones de vulnérabilité qui m’ont jadis conduits à quitter le ministère pastoral.

C’est là un très grand bonheur pour moi. Ma conjointe depuis trente ans et moi formons un couple harmonieux. Nous sommes heureux ensemble. Bien qu’aucune perfection n’ait été atteinte, d’autres voient cela et en puisent du courage pour leur vie. C’est vraiment mon plus grand bonheur que Dieu ait fait cela pour nous maintenant. Je nous imagine comme deux anges partageant un secteur de responsabilités communes dans l’ordre du monde établi par Dieu, le célébrant côte-à-côte, toute l’éternité.

10. Christ s’interpose entre toute réalité et moi

Le point de départ de ma vie est Christ, Lui-même révélation ultime de Dieu aux hommes. Le Christ qui habite en moi par son Esprit produit une liberté d’être et de faire elle-même ultime et sans égale. Le Christ par qui tout subsiste, le Christ, origine de tout être dont moi, source de bien à laquelle s’alimente le mal lui-même comme la rouille s’alimente du fer par ailleurs sain sans lequel elle n’aurait pas d’existence.

Le Christ est Celui qui par son Esprit s’interpose entre toute forme de réalité et moi, entre toute relation interpersonnelle et moi, entre toute forme d’engagement et moi. Il s’interpose par l’Esprit de liberté qui habite en moi, cette part même de Dieu qui s’est installée en moi au moment où son appel fut scellé par ma réponse en obéissance et en confiance, cette foi en action, ce fruit préparé d’avance pour que nous le produisions.

Le Christ réside en moi par son Esprit. Son Esprit naît en moi à la régénération. L’Esprit de Christ produit la liberté, nous dit l’apôtre Paul en 2 Corinthiens 3:17. L’Esprit de Christ qui réside en moi rend témoignage à mon esprit que je suis enfant de Dieu, précise encore ce même apôtre Paul, en Romains 8:16. Cet Esprit ne me fait-il pas aussi signe de par l’intérieur même de mon être quant à la voie qu’il me faut suivre ? quant à la voie sur laquelle il vaut mieux m’engager ? et celles dont je dois m’éloigner ?

Que fait Christ entre l’autre et moi dans mes relations interpersonnelles ? Il pardonne ses péchés. Il m’invite à les lui pardonner, à en accepter la conséquence sur moi, à considérer que les limites imposées à notre relation par l’action du mal en l’autre font partie intégrante de la honte et de la souffrance de la croix que je porte par décret divin, comme Christ portait la sienne dans la joie de l’obéissance et de la foi. Christ entre l’autre et moi me donne aussi le courage de le reprendre lorsque cela s’avère nécessaire, de le confronter lorsqu’il se protège, par son agressivité, d’une relation saine d’avec moi.

Que fait Christ entre la réalité et moi ? Il m’aide… Il me fortifie… Il me convainc… Il produit la foi… Il nourrit la confiance… Il pointe en direction de la réalité au-delà des apparences. Il m’aide à ne pas être séduit par les apparences trompeuses qui se superposent à la réalité-même de ce qui est. Il agit ainsi de par l’intérieur de moi comme un guide, comme une intuition, comme un sentiment, comme une conviction, comme une aspiration vers une chose plutôt que vers une autre, vers une interprétation d’une réalité, d’une situation, d’un sentiment intérieur, plutôt que vers une autre interprétation de l’être.

De quoi me convainc-t-il ? de mon identité en Lui de fils du Roi, de prince du Royaume des cieux et d’héritier des promesses éternelles de Dieu mon Père. Ces promesses sont faites et scellées par celui-là même qui soutient mon être, par Celui dont je tire la vie, par Celui sans lequel rien n’existerait ni n’existe, l’Éternel, l’Être des êtres.

Il me guide aussi par son Esprit en moi. Il conduit mes pas en obéissance à sa Parole. Il oriente mes choix par son Esprit en moi et par la Parole de l’Esprit renouvelant mon intelligence, ma compréhension, m’aidant à discerner entre ce qui est mal et ce qui est bien, entre ce qui est juste et ce qui est injuste, entre la désobéissance et l’obéissance.

C’est ainsi que Jésus, le Christ, constitue à la fois le point de départ et le point d’arrivée, le début ultime et la fin ultime, l’alpha et l’oméga, pour la réalité cosmique universelle comme pour la réalité intime et personnelle concernant chaque être dont moi. C’est ici que s’inscrit la parole de Jésus disant « Je suis […] la vérité […] » (Jean 14:6). Entre toute réalité, cosmique ou intime, et moi, il y a Jésus, le Christ, dont l’Esprit réside en moi.

Il me guide : « Je suis le chemin […] » (Jean 14:6). Ses voies sont droites. Il me dynamise : « Je suis […] la vie » (Jean 14:6). Sans Lui je ne suis rien. Je nais par Lui au sens où mon esprit prend vie. Je vis par Lui au sens où il me soutient, me conserve vivant et dans son Esprit, dans la vie de son Esprit. Je vis pour Lui au sens où il mobilise mes énergies dans une action juste, une action bonne, une action édifiante, une action constructive. De Lui je tire la motivation d’agir, de travailler, de me reposer, de donner, de recevoir. En Lui je puise le discernement qui m’aide à discriminer entre la multitude de possibilités qui s’offrent à moi dans les moments intimes du jour, de la nuit, dans les orientations de vie qui, de temps à autre, exigent de faire un choix dont les retombées seront déterminantes.

Si le Christ est ainsi le point de départ et le point d’arrivée de ma vie tout autant que le parcours entre l’un et l’autre, la Bible, la parole de Dieu, en constitue le point d’ancrage. Tout ne peut être déterminé par la seule force de l’œuvre de l’Esprit en moi. La Parole de l’Esprit constitue le point d’ancrage de mes intuitions, comme aussi mes circonstances de vie en constituent le cadre, le territoire, le domaine d’intervention, le champ d’action, la sphère d’activité et de responsabilités. L’un n’agit pas sans les autres. L’Esprit me guide par trois voies complémentaires : de l’intérieur de moi, par sa parole révélée, et par ou dans mes circonstances de vie. Jamais il ne me permet de me soustraire à l’application d’un discernement prenant en compte ces trois voies. Le renouvellement de l’intelligence dont parle Paul en Romains 12:1-2 présuppose l’intégration de l’une et l’autre des trois voies que sont la Parole, l’Esprit en soi et les circonstances qui sont les nôtres.

Pour ne pas terminer

L’atteinte d’une maturité spirituelle qui me rende capable de faire face aux pires situations de la vie sans perdre pied est une grande source de satisfaction. Mais il s’agit là également d’une source de déception lorsque je m’en sers comme d’un appui, car peu importe le degré de maturité auquel il me semble être parvenu, il y a toujours de temps à autre quelque revers qui m’atteigne dans des zones sensibles et m’ébranlent. Ces revers m’aident à comprendre que mon appui est au mauvais endroit, s’il se situe dans une quelconque confiance placée dans ma nouvelle capacité spirituelle de faire face à tout. Jésus a dit « sans moi vous ne pouvez rien faire ». Oublier cela, c’est m’écarter de Sa voie. Oublier cela, c’est perdre de vue le fondement de cette relation  est son amour pour moi.

Cet article est une adaptation de Dieu et moi – Essai autobiographique, accessible sous Formation par l’autobiographie, à la section Apprendre du site Savoir et croire .ca.

Voir aussi :

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Daniel Garneau, B Th, B Com, MA,
Édité : les 24 avril, 12 juillet, 24 décembre 2018.
Ajustements techniques mineurs : le 9 octobre 2023.