Le pardon de Joseph, David et Étienne

Dans un article précédent, je réfléchissais au pardon en réponse aux questions posées par un ami sur le chrétien et le pardon d’actes graves. Dans le présent article, je passerai en revue l’attitude face à leurs bourreaux de victimes dont le récit est parvenu jusqu’à nous à travers les textes de l’Ancien ou du Nouveau Testament.

Comme dans le premier article, j’adopterai la posture combinée de mon expérience personnelle et de mes convictions chrétiennes telles qu’intégrées dans ma vie. Mes commentaires dans chacune des rubriques ci-dessous ne seront donc pas ceux d’un érudit des passages bibliques mentionnés, mais de la façon dont ceux-ci font partie de moi et m’aident à combattre ma tendance naturelle par les voies de l’Esprit.

Quand je pense aux victimes de crimes odieux et abusifs capables d’illustrer les attitudes de pardon préconisées par Jésus pour ceux qui cherchent à vivre selon ses voies, trois cas de figure me viennent à l’esprit : Joseph, David et Étienne.

Le pardon du patriarche Joseph envers ses frères

L’histoire de Joseph est relatée en Genèse 37 à 50. Il ne serait pas superflu de lire ce récit en entier avant de poursuivre la lecture du présent article. Il s’agit de l’histoire d’un jeune homme envers qui son père exprime plus d’affection qu’envers tous ses frères. Ceux-ci étant jaloux décident de le tuer, mais le frère aîné plaide en sa faveur. Ils finissent par se mettre d’accord pour le vendre à des marchands d’esclaves en route vers l’Égypte, puis ils s’entendent pour dire à leur père que Joseph a été tué par un animal sauvage.

Le pardon accordé par Joseph, David et Étienne nous inspire à persévérer dans nos épreuves (Jacques 1.3-4)
La mise à l’épreuve de votre foi produit la persévérance (Jacques 1.3-4)

Les années passent et Joseph se retrouve en prison suite à une fausse accusation de la part de la femme de l’officier égyptien dont il était l’esclave et le fidèle serviteur. Celle-ci désirait coucher avec Joseph, mais ce dernier ne voulait pas. Pour lui, il s’agissait-là d’un enjeu de fidélité envers Dieu et envers son maître, lequel lui faisait confiance. Humiliée par ces refus répétés de la part de Joseph, la femme de l’officier égyptien l’accusa, lors de l’un de ces refus, d’avoir voulu la violer. Joseph se retrouva en prison, jusqu’au moment où le pharaon voulut connaître l’interprétation d’un rêve troublant et intrigant.

L’on convoqua Joseph, car il avait déjà interprété avec justesse les rêves d’officiers du roi. L’interprétation donnée par Joseph convainquit le pharaon de lui confier la responsabilité d’administrer les réserves de nourriture en prévision d’une famine annoncée par le rêve. Quand la famine en question arriva, les frères de Joseph se rendirent en Égypte pour chercher de la nourriture afin de survivre et se retrouvèrent en présence de Joseph. Ce dernier — comme on le voit dans l’extrait biblique suivant — fait preuve d’une attitude généreuse, démontrant qu’il leur a pardonné leur crime :

Joseph dit à ses frères : « Je suis Joseph ! Mon père est-il encore en vie ? » Mais ses frères furent incapables de lui répondre, tant ils étaient troublés de se retrouver devant lui. Joseph dit à ses frères : « Approchez-vous de moi » et ils s’approchèrent. Il dit : « Je suis Joseph, votre frère, celui que vous avez vendu à destination de l’Egypte. Maintenant, ne vous tourmentez pas et ne soyez pas fâchés contre vous-mêmes de m’avoir vendu pour que je sois conduit ici, car c’est pour vous sauver la vie que Dieu m’a envoyé ici avant vous. Voilà 2 ans que la famine dure dans le pays, et pendant 5 ans encore il n’y aura ni labourage ni moisson. Dieu m’a envoyé ici avant vous pour vous permettre de subsister dans le pays et pour vous faire vivre en vous accordant une grande délivrance. Ce n’est donc pas vous qui m’avez envoyé ici, c’est Dieu. Il m’a établi père du pharaon, seigneur de toute sa maison et gouverneur de toute l’Egypte. Dépêchez-vous de remonter vers mon père pour lui annoncer : “Voici ce qu’a dit ton fils Joseph : Dieu m’a établi seigneur de toute l’Egypte. Descends vers moi sans tarder […] » […]» (Genèse 45.3-9, Segond 21) !

Puis, encore, quelques années plus tard, lorsque leur père Jacob est décédé :

Quand les frères de Joseph virent que leur père était mort, ils se dirent : ‘Si Joseph nous prenait en haine et nous rendait tout le mal que nous lui avons fait !’ Et ils firent dire à Joseph : ‘Ton père a donné l’ordre suivant, avant de mourir : ‘Voici ce que vous direz à Joseph : Oh ! Pardonne le crime de tes frères et leur péché, car ils t’ont fait du mal !’ Pardonne maintenant le crime des serviteurs du Dieu de ton père !’ Joseph pleura à l’écoute de leur message. Ses frères vinrent eux-mêmes se jeter à ses pieds et dire : ‘Nous sommes tes serviteurs.’ Joseph leur dit : ‘N’ayez pas peur ! Suis-je en effet à la place de Dieu ? Vous aviez projeté de me faire du mal, Dieu l’a changé en bien pour accomplir ce qui arrive aujourd’hui, pour sauver la vie à un peuple nombreux. Désormais, n’ayez donc plus peur : je pourvoirai à vos besoins et à ceux de vos enfants.’ C’est ainsi qu’il les réconforta en parlant à leur cœur. Joseph habita en Egypte, ainsi que la famille de son père. Il vécut 110 ans (Genèse 50.15-22), Segond 21).

À la lecture de ce récit, en Genèse 37 à 50, on ne trouve aucune trace nulle part d’amertume de la part de Joseph envers ses frères, même si ceux-ci lui ont causé un tort irréparable. L’on voit chez Joseph l’attitude d’une personne qui sait que Dieu prend soin de lui et qui est déterminée à marcher dans l’obéissance à son Dieu et la confiance envers lui, quelles que soient les circonstances qu’il traverse, même lorsqu’il ne comprend pas.

Le pardon de David envers le roi Saul

L’histoire du roi David est racontée en 1 Samuel 16 à 31 et en 2 Samuel, puis elle est réitérée aux exilés de Juda en 1 Chroniques 10 à 29. La vie de David a ceci de particulier, c’est qu’elle est enrichie de ses pensées personnelles intimes à travers les nombreuses prières que celui-ci a adressées à Dieu dans plusieurs des Psaumes. Nous avons donc accès au récit des principaux événements de sa vie et à ce qu’il vivait intérieurement.

Comme dans le cas de Joseph, l’on est, avec David, devant une personne qui reconnaît l’intervention de Dieu dans sa vie, sauf que nous disposons ici de beaucoup plus de matériel pour nous permettre de bien voir ses motivations au fil du récit. Ce qui me frappe particulièrement dans tous les textes bibliques que l’on peut lire sur David est le fait qu’il était déterminé à ne rien faire qui soit en opposition à la nature de Dieu.

Par exemple, il refusait de prendre la vie de son adversaire, le roi Saul, même lorsque ce dernier le pourchassait sans raison valable en cherchant à le tuer. Et lorsqu’il a appris la mort du roi Saul, il n’a pas considéré qu’il y avait matière à se réjouir. Au contraire, il a honoré la mémoire de ce roi qui était mort au combat contre les ennemis d’Israël. Ce qui se dégage pour moi de 1 et 2 Samuel ainsi que des Psaumes à propos de David est que la source de sa force pour agir ainsi était son amour pour Dieu et sa confiance en lui.

Le pardon d’Étienne et des chrétiens envers leurs persécuteurs

Étienne était l’un des sept hommes choisis pour faire la distribution de la nourriture, lorsqu’un besoin surgit parmi les veuves de l’église naissante à Jérusalem. Les hommes choisis devaient obligatoirement être parmi ceux dont on rendait un bon témoignage et être remplis d’Esprit saint et de sagesse (Actes 6.1-4). Étienne est le seul des sept hommes choisis à propos de qui l’on répète et amplifie ensuite ces qualités chez lui. En effet, le texte précise d’Étienne qu’il était ‘un homme plein de foi et d’Esprit saint’ (Actes 6.5), ‘plein de foi et de puissance’ (Actes 6.8a), voire même qu’il ‘accomplissait des prodiges et de grands signes miraculeux parmi le peuple’ (Ac 6.8b).

Alors que des membres d’une synagogue discutaient avec lui (Actes 6.9), ils virent qu’‘ils ne pouvaient pas résister à la sagesse et à l’Esprit qui inspiraient ses paroles’ (Actes 6.10). Ces hommes suscitèrent de faux témoins qui l’accusèrent devant le sanhédrin, c’est-à-dire le tribunal religieux juif de l’époque (Actes 6.11-14). Les autorités religieuses responsables de l’acquitter ou de le condamner ‘virent que son visage était comme celui d’un ange’ (Actes 6.15). Étienne donne alors son témoignage (Actes 7.1-53), ce qui met ses juges dans un tel état de colère qu’ils l’exécutent sur place (Actes 7.54-59).

Saul, ancien nom de Paul, le futur apôtre, avant qu’il fasse la rencontre du Seigneur alors qu’il se rendrait à Damas pour tuer tous les chrétiens qu’il pourrait rencontrer, ce Saul-là était présent lors de l’exécution d’Étienne et approuvait ce meurtre (Ac 7.58 à 8.1). Quant à Étienne, que fait-il pendant ce temps ? — alors même qu’on le tue à coups de pierre, car c’est là ce que signifie ‘lapider’ ? Il prie ! Il demande au Seigneur d’accueillir son esprit et de ne pas charger ses bourreaux de ce péché (Actes 7.59-60).

Ce qui me frappe dans le récit d’Étienne et dans ses suites, tel que transmis dans le livre des Actes, est que l’on ne lit aucune parole d’amertume à propos de cette exécution aussi injuste que sommaire : ni Étienne lui-même ni aucun des disciples de Jésus, nulle part dans les Actes des apôtres.  Quant à Paul, qui revient sur la scène dans le récit de sa conversion (Actes 9), puis de ses voyages missionnaires (Actes 13 à 28). Non seulement a-t-il été pardonné pour avoir participé à la persécution des chrétiens, mais il est devenu un instrument dans la main du Seigneur pour accomplir son œuvre.

Ces récits, de Joseph vendu comme esclave en Égypte, de David pourchassé injustement avec intentions meurtrières par le roi Saul qu’il avait servi avec loyauté, d’Étienne condamné sur la base de faux témoignages et pour avoir parlé avec vérité sous l’inspiration de l’Esprit, font tous trois partie de ma banque interne de modèles à suivre.

Aucun de ces exemples ne m’invite à nier ce que je ressens lorsque je suis en colère contre l’injustice envers moi-même ou envers d’autres. Par contre tous ces exemples m’incitent à mettre ma confiance en ce Dieu qui sait rendre justice. Je sais pouvoir compter sur le fait que sa justice sera rendue en donnant à chacun toute les opportunités possibles de reconnaître leur culpabilité devant lui, de se détourner des filets du mal avec lesquels ils sont aux prises et d’obtenir la paix promise par Christ à ceux qui croient.

Auteur : Daniel Garneau;
Publié le 23 mai 2018.
Révisé à l’aide d’Antidote le 10 mai 2021.

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